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  L'Eglise Placee Face a Son Passe Noir

Le Quotidien
November 18, 2010

http://www.lequotidien.lu/politique-et-societe/17282.html

[www.cathol.lu Le rapport intégral du Centre d'assistance pour victimes de transgressions sexuelles et physiques est à télécharger sur le site de l'Église catholique.]


Le rapport final du centre d'assistance pour victimes de transgressions sexuelles et physiques au sein de l'Église catholique donne l'impression d'une société où la violence à l'égard des enfants a longtemps été banalisée. Ce n'est que maintenant que les instances cléricales se disent prêtes à assumer leur responsabilités.

En début d'année, des cas de pédophilie et de violences physiques sont venus éclabousser l'Église catholique dans son ensemble. Le Luxembourg n'a pas fait exception à la règle. Encouragés par les révélations de victimes dans les pays voisins, les témoignages ont également commencé à affluer au Grand-Duché.

Mise sous pression, l'Église catholique du Luxembourg s'est finalement décidée à jouer la carte de la transparence et a lancé donc un centre d'assistance pour les victimes de transgressions sexuelles et physiques, principalement une ligne téléphonique gérée par une équipe pluridisciplinaire. Lancée le 6 avril, la «Hotline Cathol» a clôturé ses activités le 14 juillet dernier. Les responsables du centre, le député Mil Majerus et sa femme Sim, ont remis leur rapport à l'archevêque Mgr Fernand Franck.

Sur une centaine de pages est donnée une analyse quantitative et qualitative des témoignages récoltés au cours de ces derniers mois. En tout, quelque 138 appels ont été enregistrés. Une centaine de cas concernent des abus sexuels ou des violences physiques subis dans et autour d'institutions gérés par l'Église ou dans lesquelles étaient occupés des ecclésiastiques (voir graphique ci-dessous). «Il nous faut cependant relativiser ces chiffres. Notre objectif était de placer les victimes au centre de notre travail. On voulait leur donner une plate-forme pour nous livrer leur impression subjective de ce qu'ils ont vécu. Même si les témoignages récoltés ne donnent qu'une vision unilatérale des choses, ils sont pourtant des indicateurs importants», note Mil Majerus.

Une chose semble en effet indéniable : des cas de violence, peu importe leur nature, ont été une réalité dans les foyers, internats et écoles du pays entre les années 30 et la fin des années 80. «On peut même parler de dénigrement. À cette époque, la violence envers les enfants était fortement banalisée. Le respect devant l'Église était dominant, la peur de déclencher un scandale trop importante. Finalement, il n'y a jamais eu de véritable enquête. Les rumeurs sur des cas de maltraitance se sont limités à de la parlotte.»

Une simple gifle était ainsi acceptée comme moyen de punition justifié. Dans les cas rapportés au centre d'assistance, des cas de maltraitance systématiques, notamment à l'aide de différents instruments, étaient courants. Plusieurs profils des auteurs potentiels ont pu être dressés à partir des témoignages. «Il s'agit de prêtres pédophiles ou éphébophiles, de prêtres dont l'évolution psychoaffective et sexuelle a été bloquée. On retrouve également de véritables Narcisses. Le fil commun est qu'ils ont tous à un moment ou un autre pété un plomb. Le célibat ou l'homosexualité ne sont cependant que rarement en cause. Le fait que ces cas d'abus ont pu se produire est l'indicateur d'un profond dysfonctionnement au sein de l'Église.»

Un chiffre à lui seul confirme cela : dans les 39 cas d'abus sexuels rapportés, les témoignages ont permis d'identifier 33 prêtres ou frères, rattachés à l'Église catholique.

Au total, les responsables de la hotline ont transféré 114 dossiers au parquet même si, dans de nombreux cas, le délai de prescription semble déjà dépassé. De plus, sur les auteurs de violences identifiés, seuls quatre ecclésiastiques seraient encore en vie. «La plupart des cas rapportés (NDLR : 90 %) datent en effet d'avant 1980», précise SimMajerus-Schmit.

Aux yeux des responsables du centre d'assistance, l'essentiel à retirer de l'exercice pénible est cependant de tirer les bonnes conclusions afin d'éviter que de nouveaux cas se répètent. C'est pourquoi toute une série de recommandations, aussi bien adressés à l'Église catholique qu'à la société dans son ensemble, ont été rédigées. «L'objectif doit être de revenir à une société dans laquelle l'attention et la vigilance dominent», conclut Mil Majerus, un brin philosophique.

«Un nouveau départ»

Selon le vicaire général, Mathias Schiltz, le récent scandale relatif aux abus sexuels et physiques est pour l'Église l'occasion idéale de se remettre un question. «On a la possibilité de repenser l'Église», a ainsi souligné le bras droit de l'archevêque Fernand Franck. Et les mots prononcés, hier, par Mathias Schiltz avaient le don d'être clairs. Il a ainsi évoqué que l'Église catholique devait repenser sa position face à la sexualité.

Un autre chantier est constitué par le cléricalisme dans son ensemble. Finalement, discuter du célibat ne doit plus être un sujet tabou, selon le vicaire général. «Une réflexion s'impose. Avec l'influence de l'Église anglicane et orientale, on se trouve dans une phase de mouvement. Il reviendra désormais à Rome de se positionner», conclut Mathias Schiltz.

L'Église : juge et partie?

«Demander pardon est la moindre des choses qu'ils puissent faire. Cela tombe sous le sens, mais il faut maintenant aussi s'occuper des responsables, ceux qui ont commis les actes et aussi ceux qui les ont couverts», confiait Manuel Huss, secrétaire général de l'association AHA

(Alliance des humanistes, athées et agnostiques).

S'il salue bien évidemment l'initiative lancée par l'Église catholique visant à faire toute la lumière sur ce scandale, Manuel Huss estime ne pas être dupe. «Toute la campagne de démystification a été entreprise par l'Église quand la question des abus sexuels est entrée dans le débat public. Si ce débat n'avait pas eu lieu, on n'en serait pas arrivé à cette hot-line.» Pour les membres de l'AHA, l'Église a simplement voulu sauver les apparences en prenant les devants et en couvrant ses arrières. À ce sujet, Manuel Huss s'étonne que l'Église soit dans cette affaire à la fois juge et partie. Il demande à ce que l'État ouvre une enquête.

Déi Gréng: «Un problème sociétal»

En réaction à la présentation du rapport sur les cas d'abus sexuels et physiques dans l'Église catholique, le parti déi gréng réclame la mise en place d'une commission d'enquête indépendante, permettant d'aller au-delà des témoignages récoltés par la hotline de l'Église. Les abus physiques et sexuels commis sur des mineurs ne seraient en effet pas un phénomène propre au monde ecclésiastique mais concerneraient bien l'ensemble de la société.

Déi Gréng réclament par conséquent une adaptation des textes législatifs. «Nous restons convaincus que non seulement les auteurs d'abus mais également tous ceux qui ont contribué à dissimuler des cas doivent être punis», souligne ainsi le président, Christian Goebel. Déi Gréng demandent également que les abus sexuels sur mineurs ne fassent plus l'objet d'un délai de prescription. Une heure d'actualité au Parlement sur cette thématique a été demandée.

 
 

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