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  LA Lente Transformation De L'Eglise Catholique Irlandaise

By Céline Hoyeau
LA Croix
November 25, 2010

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2447026&rubId=4078

Installation dénonçant la «culture de l'abus d'enfant» de l'Église irlandaise érigée en juin 2010 dans les rues de Dublin

Un an après la publication du rapport Murphy qui déclencha une vague de colère dans l'Église catholique irlandaise, les fidèles sont partagés entre indifférence et découragement

La crise budgétaire sans précédent et maintenant la tourmente politique que traverse l'Irlande ont au moins cela de bon pour les catholiques du pays : les médias leur accordent un certain répit.

De fait, depuis un an, avec la publication le 26 novembre 2009 du rapport Murphy qui révélait le silence de la hiérarchie irlandaise sur les abus sexuels commis par des prêtres, il n'est pas un jour où les scandales de pédophilie dans l'Église n'aient trôné en bonne place dans la presse irlandaise.

Signe du découragement actuel : en octobre dernier, à la fin de leur assemblée générale d'automne, les évêques irlandais avaient appelé tous leurs fidèles à célébrer une année de prière pour soutenir le processus de purification spirituelle et morale entrepris par l'Église. Une initiative présentée comme « un premier pas » en réponse à la Lettre pastorale de Benoît XVI aux catholiques d'Irlande du 19 mars. Interrogé vendredi, le diocèse de Dublin semblait n'avoir rien préparé de particulier.

«Le Vatican devrait plutôt prendre de la graine de notre expérience»

« Dans les paroisses et les diocèses, les gens n'ont plus d'énergie pour penser au renouveau de l'Église, ils sont déprimés car ils souffrent cruellement de la crise économique et ne veulent plus entendre parler de pédophilie », résume Michael Kelly, rédacteur en chef adjoint de l'hebdomadaire Irish Catholic .

De l'avis de tous, la visite apostolique demandée par le pape et entamée le 14 novembre laisse les fidèles indifférents. « Elle a pour objectif de vérifier l'efficacité des procédures de protection de l'enfance dans l'Église catholique irlandaise. Pour tout le monde, cela ne sert à rien, car le gouvernement a déjà vérifié qu'elles étaient correctes, remarque Michael Kelly. Ce qui les intéresse, c'est la façon dont l'enquête sera menée dans les séminaires, car c'est là qu'on forme les prêtres de demain. »

La visite devrait commencer en janvier au séminaire Saint-Patrick, à Maynooth. « Beaucoup estiment que le Vatican n'a rien à nous apprendre mais devrait plutôt prendre de la graine de notre expérience en matière de lutte contre les abus sexuels », ajoute avec amertume un responsable d'Église.

Les laïcs commencent à prendre la parole

Concernant le renouveau de la hiérarchie, même déception. « On attendait des évêques forts, populaires, des "guerriers" en quelque sorte, poursuit-il. Mais les évêques nommés par Benoît XVI n'ont pas ce profil. »

Fait nouveau dans ce pays, les laïcs commencent à prendre la parole : à titre d'exemple, le synode organisé par le diocèse de Clogher, en Irlande du Nord, est le premier depuis 1932 dans le pays. Mais le mouvement semble très lent, surtout chez les femmes.

Selon une récente étude réalisée par le Trinity College Dublin (TCD), trois quarts des catholiques irlandaises ont le sentiment que leur Église ne les apprécie pas, contre 6% pour les protestantes. « Nous entendons les responsables dire que "nous avons besoin d'inclure plus de laïcs", mais ce sont de simples déclarations et non une politique », observe Michael Kelly.

Les gens seraient plus nombreux à fréquenter les églises

Tout n'est pas noir cependant. Dans les paroisses, ont été installées des Listening sessions, des temps d'écoute où les paroissiens discutent ensemble de la crise et du renouveau de l'Église. Et la crise a eu un faible impact sur la pratique religieuse, semble-t-il : selon les derniers sondages, 44% des Irlandais continuent d'aller à la messe chaque semaine, contre 46% il y a cinq ans.

Si, en dix-huit mois, 12 000 personnes ont rempli sur Internet le formulaire du site Count-me-out (« raye-moi des listes »), qui recense tous les mécontents qui quittent officiellement l'Église catholique, seuls 1000 à 2000 ont envoyé les formulaires à leur diocèse (500 pour le diocèse de Dublin).

« Les administrateurs du site ont admis que les inscrits de leur site, globalement, avaient déjà quitté l'Église depuis longtemps», relève David Quinn, directeur de l'institut Iona, observatoire de la vie sociale et religieuse du pays. Avec la crise économique, les prêtres constatent même que les gens sont plus nombreux à fréquenter leurs églises. La Société Saint-Vincent-de-Paul affirme avoir ouvert plus d'antennes en deux ans que ces vingt dernières années.

L'Irlande n'en a pas encore fini avec les scandales de la pédophilie

Certains observent des signes de renouveau : les paroisses organisent de plus en plus de pèlerinages dans les sanctuaires irlandais anciens, tels ceux de saint Patrick ou de sainte Brigitte, ce qui ne se voyait plus depuis une quarantaine d'années.

« Les gens ont été marqués par la lettre du pape qui affirmait que les scandales ont fait plus de mal aux catholiques que des années de persécution des siècles passés. Ils ressentent le besoin de revisiter leur histoire et revenir aux sources du christianisme irlandais, de retrouver les forces qui ont permis à leurs ancêtres de résister », explique Michael Kelly.

L'Irlande, pourtant, n'en a pas encore fini avec les scandales de la pédophilie. Certains chapitres du fameux rapport Murphy n'ont toujours pas été publiés : ils le seront dès que certains procès en cours seront clos, d'ici à six mois.

La publication d'un nouveau rapport est en outre attendue dans quelques semaines dans le diocèse de Cloyne (Sud), alors qu'un prêtre à la retraite a été convaincu d'abus sexuel et condamné par la justice le 12 novembre. Selon Michael Kelly, « les gens retiennent leur souffle ».

 
 

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