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  Cinq Ans De Prison Pour Pierre-etienne Albert

la Croix
December 1, 2011

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Le tribunal correctionnel de Rodez a condamne jeudi 1er decembre a 5 ans d'emprisonnement Pierre-Etienne Albert, ancien consacre de la communaute des Beatitudes juge pour agressions sexuelles sur une quarantaine d’enfants.

Pierre-Etienne Albert devant le tribunal de Rodez, mercredi 30 novembre.

Accuse d'agressions sexuelles sur 38 enfants, Pierre-Etienne Albert a ete condamne jeudi 1er decembre a 5 ans de prison, par le tribunal correctionnel de Rodez qui a delivre un mandat de depot a l'audience.

Le tribunal a assorti la peine d'une injonction de soins, d'une interdiction d'entrer en contact avec des mineurs et d'une obligation de suivi socio-judiciaire pendant cinq ans. L'ancien consacre de la Communaute des Beatitudes devra par ailleurs verser entre 1 000 et 5 000 ˆ de dommages et interets a differentes parties civiles.

Cette peine est en-deca des requisitions du procureur Yves Delperie qui avait demande 10 ans de prison, retenant la circonstance aggravante d'abus d'autorite.

L'ancien « frere » a demande pardon

Au deuxieme jour de son proces pour agressions sexuelles sur une quarantaine d’enfants, presse de questions par le president du tribunal Jean-Marc Anselmi sur la conscience qu’il a de la gravite de ses actes et de leurs repercussions sur la vie de ses jeunes victimes, Pierre-Etienne Albert, ancien membre consacre de la communaute des Beatitudes finit par lacher : « J’ai mis beaucoup de temps a realiser la gravite de ce que j’avais fait. »

Dans une courte declaration, l’ancien « frere » finit meme par « demander pardon a chacune » des quelques victimes qui ont ose venir l’affronter en se constituant parties civiles. Elles dont, remarque le juge, « un grand nombre est sans activite professionnelle a 30 ans » et qui evoquent a la barre d’innombrables sequelles physiologiques, psychologiques et affectives.

Vient justement le tour des plaidoiries de leurs avocats. Eux n’ont pas de mots assez durs pour denoncer le comportement « manipulateur » de Pierre-Etienne Albert, qui ne revele les noms de ses victimes qu’au « compte-gouttes », en prenant soin de ne pas reconnaitre les circonstances aggravantes – sa position d’autorite sur les victimes – mais aussi les faits les plus graves denonces par celles-ci, ceux qui pourraient etre qualifies de viol et donc lui valoir un proces aux assises.

« Responsables irresponsables »

Ces aveux, remarque egalement Me Stephane Mazars, avocat de Solweig Ely, interviennent pour la plupart alors que la justice saisie (en 2001 a Avranches a la suite d’un signalement de l’aide sociale a l’enfance) : « Depuis 2001, il sait qu’il va y passer. Il est dans une strategie, il donne quelques noms plus d’autres. Et quand les faits sont trop graves, il ne les avoue pas. »

« Lors de sa garde a vue, a la premiere question posee il nie la position d’autorite », s’insurge de son cote Me Philippe Lacan. « Il connait les textes, il maitrise chaque mot du dossier. Jamais il n’est dans la spontaneite. La conviction que j’en retire est qu’on ne peut pas faire confiance a Pierre-Etienne Albert. »

La responsabilite des dirigeants des Beatitudes – Gerard Croissant (« Ephraim ») le fondateur, mais aussi Philippe Madre, Fernand Sanchez et Francois-Xavier Wallays, les anciens moderateurs generaux est, elle aussi, lourdement soulignee dans les plaidoiries. « Ces responsables irresponsables », denonces par Me Mazars, « responsables mais pas coupables qui sont venus avec une suffisance qui devait deja etre la leur lorsqu’ils dirigeaient la communaute ».

« Festival de la patate chaude »

Peu avant, le president du tribunal lui-meme a evoque a propos de leur audition la veille un « festival de la patate chaude ». Des « anguilles », a ajoute Me Yann Le Doucen, qui se rejouit toutefois que les faits qui leur etaient reproches – non-denonciation d’atteintes sexuelles – « malheureusement prescrits, aient quand meme pu etre portes devant la barre ».

« La communaute c’est une vie a part, denonce Me Francois-Xavier Berger. Tout se regle au sein de la communaute : on soigne, on punit, on exorcise. Hier, je ne comprenais pas pourquoi ils ne reconnaissaient pas leur responsabilite de denoncer les faits devant l’autorite judiciaire. Mais cette autorite judiciaire, ils ne la connaissent pas ! »

Un peu plus tard, dans ses requisitions, le procureur Yves Delperie a montre combien « le fonctionnement meme de la communaute, en distendant les liens entre parents et enfants, avait favorise la vulnerabilite des enfants ». Et s’est etonne du role officieux du fondateur « qui n’a pas de fonction officielle mais qui prend les decisions et auquel personne ne s’oppose ». A ses yeux, la communaute des Beatitudes, « dans le giron de l’Eglise, presente certains aspects que l’on peut qualifier de sectaires ».

Seule se detache l’audition de Mgr Carre

Dans ce tableau bien noir fait de la communaute, seule se detache l’audition de Mgr Pierre-Marie Carre, ancien archeveque d’Albi, cite comme temoin. « Alors qu’il pouvait apparaitre comme un de nos adversaires, lui seul a eu les mots qu’attendait mon client », a reconnu Me Berger, rejoint par d’autres de ses confreres.

Mais la communaute et l’Eglise n’ont pas ete les seules institutions mises en cause lors de ces deux jours d’audience. La justice elle-meme en a pris pour son grade. Car, en 2001, l’instruction declenchee a Avranches (Manche) a la suite d’un signalement fait par l’aide sociale a l’enfance a debouche sur un non-lieu pour prescription (concernant une victime) et incompetence territoriale (concernant une quinzaine d’autres).

Le parquet aurait alors du saisir les juridictions competentes mais n’en a rien fait. C’est « l’ineptie d’Avranches » denoncee par Me Mazars. Son confrere Jean-Christophe Boyer, lettre a l’appui, evoque des « pressions » faites sur le parquet d’Avranches par une avocate, « niece d’eveque ».

Pierre-Etienne Albert a dit « avoir appele a l’aide »

« Oui les juges d’Avranches ont commis des erreurs en ne reconnaissant pas la gravite des faits commis, en n’accordant pas au dossier toute l’attention qu’il meritait, mais je ne vois rien qui permette de dire qu’ils ont ete malhonnetes », a retorque le procureur, Yves Delperie dans ses requisitions.

Surtout, pour lourdes que soient ces responsabilites annexes, les avocats des victimes ne souhaitent pas qu’elles attenuent celle du prevenu : « elles s’additionnent et ne se soustraient pas », ont-ils rappele plusieurs d’entre eux. Plusieurs fois a la barre, Pierre-Etienne Albert a dit « avoir appele a l’aide », ses superieurs mais aussi « plusieurs pretres des Beatitudes, en confession ».

« Qu’est-ce que c’est que cette facon de se defausser, de se deresponsabiliser », s’est insurge Me Mazars. « Combien de fois a-t-il demande de l’aide ? », a rencheri Me Jean-Christophe Boyer. « Huit ou dix fois maximum en quinze ans et alors que 400, 500 autres fois il est ressorti de la chambre de ces gamins soulages de ses pulsions. Votre responsabilite penale, c’etait de ne pas aller voir seulement les illumines qui vous entouraient, mais aussi la justice ou des medecins dignes de ce nom. »

« Ce proces est uniquement le sien »

Dans ses requisitions, le procureur a bien resume le dilemme qui se presentait au tribunal : faire comparaitre les superieurs de Pierre-Etienne Albert pour eclairer le fonctionnement de la communaute, mais sans oublier que « ce proces est uniquement le sien ».

« Certaines victimes regrettent qu’il soit seul sur le banc des prevenus, ont souffert du silence des dirigeants, dont on a bien compris, a travers leurs raisonnements filandreux, qu’ils etaient au courant du “probleme Pierre-Etienne Albert” et qu’ils auraient du alerter les autorites. Les victimes peuvent leur demander des comptes ainsi qu’a l’Eglise, a la justice », a reconnu le procureur.

« Mais comment Pierre-Etienne Albert peut-il, lui, ouvrir la bouche a ce sujet ? Depuis le debut de ce proces, il degouline de bons sentiments, nous dit qu’il a appele au secours ses superieurs. Pauvre malheureux. Ses premiers mots ont ete “redemption”, “cheminement” Mais on se moque de son nombril, de sa petite personne, de son ego ! » « Vous avez un c?ur sec malgre vos beaux discours. Dix ans, ca fait trois mois par victime », lui a-t-il lance.

Mais pour la defense, il faut au contraire accorder du credit au cheminement de l’accuse. « On ne peut pas lui reprocher d’avoir avoue », insiste son avocate pour qui, « degoulinant de bons sentiments ou pas », il faut reconnaitre « sa demarche de verite et de repentir ». « C’est un viel enfant de 60 ans, incapable de manipuler qui que ce soit », avait lance l'avocate, demandant une sanction « juste ».

 
 

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