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Cardinal Gerhard Ludwig Müller : « La mission du pape est d’unifier le monde »

La Croix
March 29, 2015

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Créé cardinal par le pape François, Mgr Gerhard Ludwig Müller défend avec fermeté la position de l’Église sur les divorcés remariés.

Pour le cardinal Gerhard Ludwig Müller, en visite en France à l'occasion de la sortie du premier tome des œuvres complètes de Joseph Ratzinger qu'il a préfacées (1) la doctrine est l’expression de la vérité révélée en Jésus-Christ, même s’il distingue le dogme de l’organisation concrète des sacrements.

Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi dit impossible une éventuelle reconnaissance par l’Église d’une seconde union après un divorce.

 Comment concevez-vous votre rôle auprès du pape François ? Est-ce différent d’avec Benoît XVI, qui était théologien et vous avait précédé à la Congrégation pour la doctrine de la foi ?

 Cardinal Gerhard Ludwig Müller : L’arrivée sur le Siège de Pierre d’un théologien comme Benoît XVI est sans doute une exception. Mais Jean XXIII n’était pas un théologien de métier. Le pape François est aussi plus pastoral, et la Congrégation pour la doctrine de la foi a une mission de structuration théologique d’un pontificat.

J’apprécie l’expérience de ce pape venu d’Amérique latine. Je suis très souvent allé au Pérou et dans d’autres pays latino-américains. Je connais un peu la situation et notamment cette pauvreté absolument différente de ce que nous voyons en Europe. Je pense que c’est la grande mission du pape François : unifier le monde, dépasser cette énorme différence entre les pays européens et nord-américains, et les pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Il rappelle qu’il n’y a qu’une seule humanité, une seule terre, avec une responsabilité universelle. La prochaine encyclique sur l’écologie va souligner cette responsabilité globale par rapport au climat, à l’accès universel aux biens communs.

 N’est-ce pas là un discours proche de la théologie de la libération ? Alors qu’on va béatifier Mgr Romero, celle-ci a-t-elle désormais droit de cité jusqu’au sommet de l’Église ?

 Card. G. L. M. : Elle n’a jamais été condamnée. Il fallait juste surmonter le risque d’une récupération purement politique ou sociale. Mais la spécificité catholique est de ne pas séparer la dimension transcendante et le monde… Avec l’Incarnation, les deux dimensions sont intimement unies. Nous parlons de salut intégral. Nous avons une doctrine sociale qui se développe depuis cent cinquante ans et, dans Deus caritas est, Benoît XVI a aussi rappelé comment la diaconie était une action fondamentale de l’Église, dans sa fonction libératrice comme dans ses accents politiques. Les politiques ne peuvent se contenter d’être des gestionnaires. Nous avons besoin d’une morale de la solidarité, d’une unité des hommes au lieu de l’égoïsme, du matérialisme, du populisme…

 L’Église catholique était perçue jusqu’ici comme arc-boutée sur la doctrine : le regard est-il en train de changer ?

 Card. G. L. M. : On peut avoir l’impression que les pontificats antérieurs faisaient une fixation sur la morale sexuelle et que le pape François veut revenir à l’universalité du message de l’Évangile. Mais le message du pape François est aussi très clair sur une sexualité de l’homme ordonnée à la volonté de Dieu qui l’a créé homme et femme. L’Église rejette toute vision gnostique ou dualiste qui ferait de la sexualité un élément isolé de la nature humaine. Le pape veut élargir la réflexion pour souligner que la mission de l’Église est de donner l’espérance à tous les hommes.

 C’est justement le thème de la prochaine assemblée du Synode sur « la mission de la famille dans l’Église et dans le monde ». Une synthèse sera-t-elle possible entre les visions très différentes qui se sont opposées lors de la dernière assemblée ?

 Card. G. L. M. : Comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, j’ai la responsabilité de l’unité dans la foi. Je ne peux prendre parti. Mais les choses sont claires : nous avons les paroles de Jésus sur le mariage et leur interprétation authentique tout au long de l’histoire de l’Église – les conciles de Florence et Trente, la synthèse faite par Gaudium et spes et tout le magistère ultérieur…Théologiquement, tout est très clair. Nous sommes face à la sécularisation du mariage avec la séparation du mariage religieux et du pacte civil.

Nous avons ainsi perdu les éléments constitutifs du mariage comme sacrement et comme institution naturelle. Le message de l’Église sur le mariage va à l’encontre de cette sécularisation. Nous devons retrouver les fondements naturels du mariage et souligner pour les baptisés la sacramentalité du mariage comme moyen pour la grâce d’irriguer les époux et toute la famille.

 Les conférences épiscopales pourraient-elles avoir plus de latitude sur ces sujets ?

 Card. G. L. M. : Il faut distinguer deux niveaux : la dogmatique et l’organisation concrète. Jésus a institué les Apôtres avec Pierre comme principe de l’unité de la foi de l’Église et de sa communion sacramentelle. C’est une institution de droit divin. Au-delà, nous avons des structures canoniques qui évoluent selon les circonstances. Les Conférences épiscopales sont une expression de la collégialité des évêques au niveau d’un pays, d’une culture ou d’une langue, mais c’est une organisation pratique. L’Église catholique existe comme Église universelle, dans la communion de tous les évêques en union et sous l’égide du pape. Elle existe aussi dans les Églises locales. Mais l’Église locale, ce n’est pas l’Église de France ou d’Allemagne : c’est l’Église de Paris, de Toulouse… Ce sont les diocèses. L’idée d’une Église nationale serait totalement hérétique. Une autonomie dans la foi est impossible ! Jésus-Christ est le sauveur de tous, il unifie tous les hommes.

 Des changements disciplinaires sont-ils possibles sans toucher à la doctrine ?

 Card. G. L. M. : La discipline et la pastorale doivent agir en harmonie avec la doctrine. Celle-ci n’est pas une théorie platonique qui serait corrigée par la pratique, mais l’expression de la vérité révélée en Jésus-Christ.

 Sur la question des divorcés-remariés, ne peut-on imaginer, après un chemin de pénitence, de reconnaître une seconde union qui n’aurait pas de caractère sacramentel ?

 Card. G.L. M. : Il est impossible d’avoir deux femmes ! Si la première union est valide, il n’est pas possible d’en contracter une seconde en même temps. Un chemin de pénitence est possible, mais pas une seconde union. La seule possibilité est de retourner à la première union légitime, ou de vivre la seconde union comme frère et sœur : telle est la position de l’Église, en accord avec la volonté de Jésus. J’ajoute qu’il est toujours possible de chercher à obtenir une déclaration de nullité devant un tribunal ecclésiastique.

 Pour vous, la solution passe donc par un assouplissement des règles canoniques ?

 Card. G. L. M. : Benoît XVI en avait déjà fait la demande. Malheureusement, pour un certain nombre de catholiques, la célébration du mariage n’est plus qu’un rite folklorique ; pour d’autres, elle a un sens sacramentel. C’est au tribunal de l’Église de prouver la vérité ou non du sacrement. Le droit canonique peut s’adapter aux situations concrètes.




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