Les anciennes victimes présumées du père Preynat du diocèse de Lyon s'en remettent au pape François. Dans un courrier daté du 14 mars, et posté le 15 mars, les trois fondateurs de La Parole libérée, association regroupant les anciennes victimes du père Bernard Preynat du diocèse de Lyon, viennent d'écrire au pape François pour lui demander une « audience privée ».

Dans leur long courrier, François Devaux, Bertrand Virieux, et Alexandre Hezez font tout d'abord référence aux déclarations du pape dénonçant à plusieurs reprises les actes pédophiles commis par des membres de l'Église. « Si nous faisons appel à vous, très Saint-Père, c'est car vous avez, dans toutes vos déclarations et communications officielles, montré un attachement indéfectible à la vérité et à la protection des enfants, ainsi qu'une volonté de mettre fin aux pratiques de dissimulations justifiées par le souci de virginité de l'image de l'Église de France », écrivent-ils.

Les signataires poursuivent leur lettre en confiant leur désarroi face à la réaction de l'Église dans cette affaire : « Nous avons l'impression que notre démarche de vérité gêne et que la parole n'est pas la bienvenue... Nous avons foi en vous, très Saint-Père, et nous sommes persuadés que le souci de chacun des enfants de Dieu a plus de valeur à vos yeux que l'image de l'une de vos Églises, fusse-t-elle l'Église de France. » Ils s'étonnent aussi des soutiens reçus au sein de la hiérarchie par le cardinal Barbarin. « Les multiples victimes ne peuvent comprendre les paroles du père Federico Lombardi qui annonce que « l'archevêque de Lyon a traité avec une extrême responsabilité » ce dossier. Les dizaines de victimes ne peuvent comprendre que le président de la Conférence épiscopale, monseigneur Georges Pontier, ait déclaré que l'archevêque de Lyon était « rigoureux dans sa gestion ».

Les trois signataires demandent pour finir, au nom de toutes les victimes d'actes pédophiles commis au sein de l'Église, de « mettre en place une loi canonique claire et simple qui puisse être comprise même par les petits enfants victimes de prédateurs ».

Bertrand Virieux explique aujourd'hui s'être décidé à engager, avec ses anciens camarades scouts, cette démarche au plus haut sommet de l'Église, faute d'avoir été entendus localement. « Nous avons perdu toute confiance dans le cardinal Barbarin », lâche-t-il. Ils n'ont pas l'intention, en revanche, de demander au pape de relever l'archevêque de ses fonctions. « Nous n'avons pas qualification pour prendre ce genre de décision. Il appartient au pape d'en décider », estime Bertrand Virieux.

En attendant, le cardinal Barbarin continue de recevoir le soutien des siens. Ce week-end encore, le Lyonnais Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran, ordonné par le cardinal Barbarin en janvier 2013, s'est engagé en faveur de ce dernier. « La focalisation médiatique sur la responsabilité personnelle et directe du cardinal Barbarin provoque en moi un profond malaise », confie-t-il dans une interview accordée au Progrès. Et de s'interroger : « Suis-je bien certain que, placé dans la même situation que lui, j'aurais agi différemment ? »

Précédemment, monseigneur Georges Pontier, évêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France, monseigneur Michel Dubost, évêque d'Évry, avaient déjà marqué leur solidarité en faveur du cardinal de Lyon.

Le cardinal Barbarin a eu l'occasion d'expliquer, dans une interview accordée à La Croix le 10 février dernier, avoir été alerté par des victimes « vers 2007-2008 ». Interrogé par ses soins, le père Preynat lui aurait confirmé les faits en assurant n'avoir pas récidivé depuis 1991. Le cardinal Barbarin aurait alors décidé de lui faire confiance. Le père Preynat est resté après cette date en activité près de Roanne, où il était notamment chargé du catéchisme auprès des enfants. Le cardinal Barbarin ne l'a relevé de toute fonction qu'à l'été 2015, après les premiers dépôts de plainte.