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Abus Sexuels : Le Mal a LA Racine

Rene Poujol
May 5, 2016

http://www.renepoujol.fr/abus-sexuels-le-mal-a-la-racine/

Malgre les initiatives de la Cef, le doute demeure sur la determination des eveques a eradiquer la pedophilie et les derives sectaires.

Cet article a ete redige pour l’hebdomadaire catholique la Voix de l’Ain et publie dans son edition du 6 mai 2016

Avec les affaires de pedophilie qui touchent le diocese de Lyon et son archeveque, le cardinal Philippe Barbarin, l’Eglise de France est entree dans une periode de turbulences dont on ne saurait fixer ni l’amplitude ni le terme. Sans doute le succes merite du film Spotlight, sur des affaires de pedophilie dans le diocese de Boston, a-t-il servi d’amplificateur au depot de plainte de l’association La parole liberee, a l’origine de l’affaire lyonnaise.

Depuis, les langues se sont deliees. D’autres victimes se sont manifestees. Les reseaux sociaux se sont mobilises autour du soutien, ou de la demande de demission, du cardinal Barbarin. Dans le meme termps, des milliers de signataires enjoignaient l’episcopat de prendre enfin la question a bras le corps. La deferlante a rattrape les eveques, reunis a Lourdes a la mi-mars, a l’occasion de leur Assemblee pleniere de printemps. Lors d’une conference de presse tenue dans l’urgence, le president de la Conference episcopale, Mgr Georges Pontier, concedait que « faire la verite pour les victimes » de pedophilie etait desormais « la priorite » des eveques.

Un mois plus tard la Conference des eveques nommait l’ancien haut fonctionnaire Alain Christnacht a la tete de la commission nationale d’expertise independante chargee de conseiller l’episcopat sur ces questions dont la creation avait ete annoncee le 12 avril par le Conseil permanent. Une reactivite salutaire, positivement accueillie par l’opinion, mais dont il n’est pas sur qu’elle suffise a endiguer le flot montant des affaires. Deja, le diocese de Bayonne se trouve, a son tour, pris dans la tourmente. Et un proces comme celui qui vient de se tenir a Chalon-sur-Saone revele une dimension du dossier jusque la sous-estimee voire occultee.

Le 29 avril, un ancien religieux de la Communaute Saint-Jean (dite les «petits gris») a ete condamne a un an de prison avec sursis pour des agressions sexuelles sur un adolescent et un adulte. En quatre ans cette communaute a connu quatre condamnations successives pour des faits similaires. Son fondateur lui-meme, aujourd’hui decede, a ete convaincu «d’actes contraires a la chastete» sur des femmes et certains freres.

Ainsi, les abus sexuels dans l’Eglise ne se limitent-ils pas aux seules affaires de pedophilie imputables a des membres du clerge places sous la responsabilite des eveques. Ils concernent egalement des personnes «fragiles» de tous ages, au sein de communautes religieuses qui semblent parfois echapper a tout controle canonique. Ces derniers annees, ont successivement ete mises en cause par la presse, a propos de derives sectaires dont certaines de caractere sexuel : les Beatitudes, la communaute de Bethleem, l’Institut du Christ Roi, les Travailleuses missionnaires de l’Immaculee, le Pain de Vie, le Verbe de Vie… et Points C?ur qui vient de connaitre, debut 2016, un nouveau rebondissement avec la suspension a divinis de son fondateur.

A l’heure d’un premier bilan, le malaise persiste. L’hesitation de Mgr Stanislas Lalanne, eveque de Pontoise, a parler de peche a propos de la pedophilie a jete le trouble. Tout comme interroge le commentaire prete au cardinal archeveque de Paris a propos des pratiques douteuses de «psychotherapie physique» d’un pretre de son diocese, aujourd’hui en poste au Vatican, mis en cause par d’anciens patients. « Il m’a dit (temoigne un pretre ayant recu la confidences de pretendues victimes) que, s’il s’etait passe des choses, c’etait dans le cadre des activites de psychotherapeute du pere Anatrella et que l’Eglise n’etait donc pas concernee.” Dans les milieux associatifs qui, depuis des annees, se battent sur les terrains de la pedophilie et des derives sectaires, le sentiment domine que dans leur majorite les eveques, seuls maitres en leur diocese, se contentent de faire «le gros dos» en priant Dieu de passer a travers maille.

Le 21 mars, Yves Hamant, membre du Collectif Appel de Lourdes 2013, declarait a la Vie : «Je ne crois pas que les choses aient beaucoup change.» Aujourd’hui, il dit ratifier sans reserve le constat desabuse des animateurs de La parole liberee qui, a travers leur president-fondateur Francois Devaux, se demandent ouvertement s’ils ne vont pas «plier l’affaire»: «On est desormais convaincus que chaque eveque a des histoires comparables derriere lui. C’est pourquoi tous soutiennent le cardinal Barbarin. On commence a comprendre qu’on n’arrivera pas a aborder un debat moral avec ces gens-la.» (1) Pourtant, c’est du peuple croyant que surgit aujourd’hui l’exigence du debat. Et de jeunes pretres que montent les cris de colere les plus poignants : «Je ne me suis pas marie et j’ai fait le choix tres lourd de ne pas avoir d’enfant, non pas parce que je n’aime pas les femmes, non pas parce que les enfants m’insupportent, mais parce que j’ai reconnu en eux une etincelle de sacre, la presence du divin. (…) Il n’est pas possible d’etre pretre quand on souille ce sacre.»

P.S. Au moment de mettre cet article en ligne, je voudrais saluer l’editorial de Jean-Pierre Denis Directeur de la redaction de la Vie dont la tonalite rejoint mes propres conclusions.

 

 

 

 

 




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