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Orléans. La pédophilie et le silence de l’Église au centre d’un procès

ORLÉANS Le Télégramme
October 30, 2018

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« Cette affaire a eu un impact immédiat. Mon enfance s’est arrêtée », a déclaré Olivier Savignac, une des victimes qui, en 2008, avait envoyé une lettre à l’évêché.

[Orléans: Pedophilia and silence of the Church at the center of a trial]

Vingt-cinq ans après les faits, l’abbé Pierre de Castelet, accusé d’atteintes sexuelles sur mineurs, a évoqué, ce mardi, un « dérapage » devant le tribunal correctionnel d’Orléans, en l’absence de l’ancien évêque de la ville, poursuivi, lui, pour non-dénonciation.

Mgr André Fort, 83 ans, évêque d’Orléans de 2002 à 2010, ne s’est pas présenté au tribunal, « affaibli par sa maladie à la suite d’une opération », a déclaré son avocat, Me Benoit de Gaullier, à l’ouverture de l’audience. Le père Castelet, 69 ans, crâne dégarni, lunettes fines et regard droit, s’est donc assis seul sur le banc des prévenus, en présence de trois jeunes hommes d’une trentaine d’années sur le banc des parties civiles.

De « faux examens médicaux »

Ce qui s’est passé lors de ce camp de vacances en 1993, « c’est un phénomène isolé, c’est un dérapage », a assuré le prêtre à la barre. Il a reconnu avoir procédé à de « faux examens médicaux », en se faisant passer pour infirmier ou médecin, auprès de jeunes garçons convoqués pour une visite médicale, peu après leur arrivée dans le camp de vacances qu’il dirigeait. Il assure avoir agi ainsi « pour (se) rapprocher d’eux ». « J’étais demandeur d’affection (…) Je les idéalisais (…). Ce n’était pas la même chose avec un majeur ».

« Voir un psychologue aurait été en dehors de tout ce que j’imaginais », a-t-il poursuivi. « Je ne pouvais en parler à personne (…). Après, on m’a interdit de dormir sur les camps », a dit cet homme froid, sans manifester la moindre contrition.

Il comparaît pour des attouchements sur des mineurs de 15 ans lors d’un camp organisé par le Mouvement eucharistique des jeunes pendant l’été 1993.

Ce qui s’est passé, c’était un abus spirituel

Quinze ans plus tard, en 2008, Olivier Savignac, l’un des participants au camp, décidait d’adresser une lettre à l’évêché dans laquelle il affirmait avoir été victime d’attouchements de la part de l’abbé. Mgr Fort, en charge du diocèse d’Orléans de 2002 à 2010, n’avait pas transmis la lettre à la justice et s’était contenté d’éloigner le prêtre de tout contact avec les jeunes. Ce n’est qu’après l’arrivée du nouvel évêque, Jacques Blaquart, que la justice sera saisie.

Le père de Castelet a été mis en examen, en 2012, pour agressions sexuelles et Mgr Fort, en 2017, pour ne pas avoir dénoncé ces actes.

« Cette affaire a eu un impact immédiat. Mon enfance s’est arrêtée », a déclaré Olivier Savignac, aujourd’hui père de famille, regrettant que l’abbé de Castelet n’ait pas eu un mot pour les victimes. Ce qui s’est passé, c’était un « abus spirituel », a-t-il estimé, soulignant avoir, depuis, « toujours gardé une méfiance vis-à-vis de l’Église ».

Dans son témoignage lu à l’audience en son absence, « Mgr Fort fait de la compassion, il se la joue », a estimé le trentenaire, racontant avoir dû suivre plusieurs années de psychothérapie après les faits. « Il faut que ces personnes assument », a-t-il lancé à propos des deux prévenus, avant d’ajouter : « Je dis merci à la justice. La reconnaissance pour nous, ça fait un bien fou. »

En saisissant la justice, Mgr Blaquart a mis un terme à « une gestion interne » de ces faits au sein de l’Église, laquelle « fait peser sur les épaules des victimes le secret de leurs propres souffrances », faisait valoir, avant l’audience, Me Edmond-Claude Fréty, défenseur des victimes.

À la veille de la Conférence des évêques de France

Le renvoi d’un évêque devant la justice est exceptionnel. Lors d’un précédent procès, en 2001, l’évêque de Bayeux, Mgr Pierre Pican, avait été condamné à trois mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d’actes pédophiles.

Ce procès intervient à quelques jours de la Conférence des évêques de France, à Lourdes, où sera abordée la douloureuse question des abus sexuels dans l’Église. Olivier Savignac a indiqué, lors de l’audience, qu’il sera, ce samedi, dans la cité mariale.




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