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Assemblee Des Eveques a Lourdes, Le Temoignage D’une Victime D’abus Sexuels

By Celine Hoyeau
La Croix
November 3, 2018

https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/France/Assemblee-eveques-Lourdes-temoignage-dune-victime-dabus-sexuels-2018-11-03-1200980521

Sept victimes d’abus sexuels commis par des clercs seront recues par les eveques a Lourdes, samedi 3 novembre, au premier jour de leur Assemblee pleniere.

Francois (1), cadre retraite, marie et pere de famille, engage dans un mouvement d’Eglise, s’exprimera devant les eveques dans l’apres-midi. De l’age de 8 ans a 15 ans, il a ete victime d’attouchements par le cure de sa paroisse, ami de sa famille.

La Croix?: Qu’est-ce qui vous a pousse a parler??

Francois?: Le temoignage des membres de La Parole liberee m’a aide a parler et decide a temoigner. Mais je souhaite garder l’anonymat car ma famille, a part ma femme, n’est toujours pas au courant. C’est traumatisant et je ne veux pas imposer ce traumatisme a d’autres.

Une psychologue qui me suivait pour des problemes physiques m’a aide a prendre conscience des attouchements que j’ai subis de 8 a 15 ans, par le cure de ma paroisse, un ami de ma famille. J’ai recontacte la congregation du pretre qui etait decede… Ils ont minimise les faits et cela m’a pousse a agir. J’ai ecrit a plusieurs eveques. Luc Crepy m’a appele en aout et propose de venir a Lourdes.

Dans quel etat d’esprit etes-vous avant cette rencontre avec les eveques??

F.?: Je suis assez confiant car la force de la verite s’impose. Simplement il faut du temps, nous ne nous faisons pas d’illusion. Je me mets dans la posture de Bernadette?: « Je ne suis pas chargee de vous le faire croire, je suis chargee de vous le dire ». Je ne me deplace pas a Lourdes pour moi-meme mais au nom de toutes les victimes. Notre volonte partagee est d’aider l’Eglise. Et nous allons commencer par leur dire les paroles de Jean-Paul II?: « N’ayez pas peur?! »

Qu’attendez-vous de cette rencontre??

F.?: J’ai beaucoup de messages a faire passer, j’espere que j’y arriverai car le temps des ateliers est tres court, et il faut du temps deja pour se presenter… Mon modeste objectif, c’est une prise en compte de nos propositions.

Je souhaiterais que l’action des eveques soit veritablement centree sur les victimes, alors qu’ils donnent encore l’impression aujourd’hui de chercher a proteger l’institution. L’enjeu pour moi est de passer d’une culture du secret et du deni a une culture de la transparence et de la responsabilite. On a l’impression que l’Eglise a du mal encore a faire ce saut culturel.

Comme chretien engage, j’en ai assez de voir une minorite de brebis galeuses ternir l’image de l’Eglise et du ministere sacerdotal. Je ne comprends pas que les eveques ne soient pas plus proactifs en mettant la crise sur la table. Ils ne prennent pas suffisamment leurs responsabilites. Bien souvent leur attitude consiste a gagner du temps. Ils ont beaucoup de progres a faire dans leur communication et leur gestion de crise.

Dans toutes les institutions, il y a des delinquants, toutes peuvent traverser une crise. Ce n’est pas honteux. Ce qui l’est en revanche, c’est quand on la denie. C’est contre-productif et cela ternit a la fois l’image et la credibilite. Mieux vaut accepter humblement ses responsabilites, quelles qu’elles soient, quand on est eveque et qu’on a mal gere ces affaires dans son diocese, jouer la transparence, plutot que d’essayer de cacher ce qui finira par se savoir…

Quels sont les autres messages que vous voulez faire passer??

F.?: Je serai d’abord tres attentif aux mots car ils induisent une posture. Je n’aime pas trop qu’on parle d’« abus sexuels » ou de « pretres pedophiles ». Pour moi, on a affaire a des delinquants, des pedocriminels. Certains eveques ont tendance a banaliser ou minimiser. Or l’abus sexuel laisse des consequences psychologiques, affectives lourdes, les trajectoires de vie de beaucoup de victimes auraient ete differentes si elles n’avaient pas ete abusees, certaines ont ete brisees, jusqu’au suicide…

Le c?ur de mon message sera de dire aux eveques que pour qu’une victime se reconstruise, deux conditions sont essentielles. D’abord, que le pedocriminel soit sanctionne par l’Eglise et si possible tres rapidement. Les eveques sont encore tres lents a prendre des mesures canoniques. Les sanctions apparaissent a la marge dans la lettre du pape et sont absentes du dernier communique du conseil permanent des eveques. Il ne faut pas attendre la fin de la procedure civile pour renvoyer un pretre de l’etat clerical. Certes, il sera juge comme un civil, mais ce qui compte ce n’est pas l’etat au moment du jugement, c’est ce qu’il etait au moment des faits.

L’Eglise nous donne en outre tres peu d’informations sur les sanctions canoniques prises a l’egard des pretres delinquants. Je suis partisan de l’acces a cette information.

La reconstruction des victimes passe aussi par la reparation et l’indemnisation. Point que les eveques ne veulent pas du tout aborder. Mais c’est tres important symboliquement pour les victimes d’une part, et pour l’Eglise elle-meme car meme si les sommes sont modiques, l’indemnisation permet aux dioceses de prendre la mesure de leurs responsabilites.

 

 

 

 

 




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