TOULOUSE (FRANCE)
Diocèse de Toulouse [Toulouse, France]
August 16, 2025
By Archbishop Guy de Kerimel
Pour ne pas provoquer de division entre évêques, et pour ne pas en rester à un face à face entre les « pour » et les « contre », j’ai décidé de revenir sur ma décision ; c’est maintenant fait, avec la nomination d’un nouveau chancelier.
Ma décision avait été interprétée par de nombreuses personnes comme un camouflet envers les victimes d’abus sexuel ; j’en demande pardon aux victimes. Ce n’était évidemment pas mon intention. D’autres y voyaient enfin un signe d’espérance pour les auteurs d’abus qui avaient fait leur peine et qui vivent une mort sociale très éprouvante. Là, je dois demander pardon à celui que j’avais nommé et à qui je fais confiance, pour ne pas avoir su trouver la juste place à laquelle il a droit.
Comment trouver l’attitude juste qui n’oblige pas à prendre un parti au détriment de l’autre ? Comment tenir l’attention première aux victimes sans rejeter à jamais les coupables ?
On parle aujourd’hui d’une « justice restaurative » : elle cherche à établir une rencontre, toujours libre, entre l’auteur du méfait et la victime, pour une reconnaissance du mal commis et dans le souhait de ne pas se laisser enfermer dans le mal.
L’auteur doit réparer le mal commis, ou, au moins, par la peine que la justice lui inflige participer à la réparation du mal commis. Quand il s’agit d’un crime, le mal a toujours une dimension irréparable. Que faire dans ce cas ? Pratiquer la vengeance ? Ce serait s’enfermer dans une logique destructrice et finalement dans la victoire ultime du mal.
La France a renoncé à la peine de mort ; la justice croit à un changement possible des criminels et travaillent à leur réinsertion. Elle ne peut pas laisser libre cours à la vengeance ; ce serait au détriment de l’auteur bien sûr, mais aussi de la victime et de toute la société. Au nom d’une telle justice, on tomberait dans les pires injustices. La justice ne rend pas à l’auteur le mal qu’il a fait à la victime : « œil pour œil, dent pour dent ». Elle met une limite à l’exclusion du coupable, sauf dans les cas extrêmes de personnes dangereuses.
Dans l’Évangile, Jésus est allé très loin dans la réhabilitation des personnes pécheresses et coupables. Il a appelé à des postes de responsabilité des hommes comme Matthieu le collecteur d’impôt, Pierre le renégat, Paul le criminel, Marie-Madeleine la prostituée, et tant d’autres. Paul avait fait des victimes, peut-être aussi saint Matthieu dans un autre ordre. Cependant, Jésus a pardonné leurs péchés, ils ont changé de vie, et ils ont exercé, au nom du Christ, une autorité qui dure encore aujourd’hui. Cette logique évangélique va encore au-delà de la réinsertion, qui ne touche que la place dans le corps social : elle porte le nom de conversion, car elle change le cœur de l’homme.
Nous qui avons mission de témoigner de l’Évangile, nous ne pouvons pas ignorer la miséricorde dont Jésus a toujours témoigné, jusque sur la croix, en pardonnant au malfaiteur qui se tournait vers Lui. Nous croyons que la justice ne s’oppose pas à la miséricorde, la miséricorde ne s’oppose pas à la justice.
Nous croyons au pardon, à la rédemption, sans jamais cautionner l’injustice, même si, parfois hélas, il nous arrive de la pratiquer, car nous ne valons pas mieux que les premiers disciples de Jésus. Le chemin de conversion n’est jamais achevé sur cette terre.
Comment tenir ensemble justice et miséricorde ? J’aimerais que nous continuions à réfléchir sur ce sujet important, pour ne pas en rester aux émotions qui ne conduisent que rarement à une vraie justice, mais que, en tant que chrétiens, nous ayons une attitude la plus juste possible, conforme à l’Évangile.
Soyez assurés de mon dévouement.
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse
Le 16 août 2025
Publié le 16.08.2025