«L’Église est devenue mon agresseur», écrit Paméla Groleau

MONTREAL (CANADA)
Présence [Montreal, Canada]

April 14, 2023

By Francois Gloutnay

Nouvelle lettre au pape François

«Très Saint-Père, ces deux dernières années, je les ai passées à tenter de me protéger des répercussions et des représailles que j’ai subies parce que j’ai naïvement demandé de l’aide à mon Église.»

Deux ans après avoir remis au pape François une lettre qui relatait des gestes inconvenants commis par le cardinal Marc Ouellet, alors son supérieur, l’agente de pastorale Paméla Groleau achemine au chef de l’Église catholique une seconde missive.

Datée du 10 février, sa nouvelle lettre de deux pages, remise directement au pape le lundi 13 février, l’informe que les personnes qui portent plainte aux autorités ecclésiales, tout particulièrement dans l’archidiocèse de Québec, sont victimes de vexations alors qu’elles devraient être accueillies et écoutées.

Dans ce «cri ultime d’une croyante qui espère être entendue de vous», Paméla Groleau rappelle au pape qu’il y a deux ans elle a «en toute naïveté» cherché de l’aide et de l’accompagnement auprès du comité-conseil diocésain pour les abus sexuels en raison de gestes commis par un prêtre diocésain ainsi que par l’ex-archevêque de Québec et dorénavant l’ex-préfet du Dicastère pour les évêques.

C’est ce même comité qui a reconnu «que deux épisodes difficiles de [son] histoire relevaient de l’inconduite sexuelle» et qui l’a fortement encouragée à écrire au pape une première lettre le 26 janvier 2021.

Après la remise de cette lettre, l’agente de pastorale dit avoir «été victime de représailles sur [son] lieu de travail, allant jusqu’à me retirer mon mandat pastoral sans raison pendant plus de sept mois». Pire, raconte-t-elle au pape François, lors de l’examen de sa plainte contre un prêtre, elle a «été victime de menaces» et même de chantage. Une personne adulte, victime d’un prêtre, serait reconnue comme «vulnérable», lui a-t-on expliqué. Elle ne se qualifierait donc plus comme agente de pastorale.

Aide et protection

Jusqu’à ce moment, confie Paméla Groleau au pape, elle a «toujours fait la différence entre les agressions que j’avais vécues par des membres du clergé et l’institution».

«Mais voilà que l’Église elle-même devenait mon agresseur. Cette même institution à qui je me dédiais depuis plus de 15 ans, non seulement ne m’accueillait pas dans la partie la plus souffrante de ma vie, mais en plus se servait de ces souffrances pour me faire encore plus de mal.»

Paméla Groleau ne mentionne pas qu’en août 2022, le cardinal Marc Ouellet a même intenté une poursuite en diffamation contre elle. Mais elle dit au pape que les «conséquences [de ses dénonciations] ont pris une telle ampleur» qu’elle a dû «trouver aide et protection» auprès d’un cabinet d’avocats.

«Alors que j’étais à la recherche d’un visage de Dieu dans l’institution, ce sont des avocats qui ont été ce visage divin. Ils m’ont accueilli avec compassion et professionnalisme. Ils ont été les premiers à écouter et à comprendre ma souffrance alors que l’Église m’avait arraché ma dignité, mon intimité et ma sécurité. La blessure est si grande que j’ai l’impression qu’on m’a arraché mon âme.»

Des changements souhaités

Le pape «n’a probablement plus envie d’entendre parler de madame Groleau», écrit-elle au début de sa lettre de février 2023. Elle lui indique alors que si elle «continue de parler et de dénoncer», c’est qu’elle croit toujours dans l’Église et qu’elle espère «la voir s’épurer de toutes ces formes d’abus».

Le combat qu’elle entend mener dorénavant sera d’appuyer «toutes ces victimes qui attendent encore et toujours que l’Église les écoute et les accueille dans les terribles souffrances qu’elles ont vécues».

«J’espère, plaide-elle, que mon cri permettra à l’Église de se doter de processus neutres, impartiaux, indépendants et justes. Les victimes désirent beaucoup plus qu’une compensation monétaire, elles désirent être entendues, accueillies et voir des gestes et mesures concrètes être mis en place».

Deux mois après l’envoi de cette lettre dans laquelle elle dénonce les répercussions et les représailles subies parce qu’elle a, deux ans plus tôt, «naïvement demandé de l’aide à [son] Église», Paméla Groleau n’a toujours pas reçu de réponse du pape ou de ses adjoints.

Elle sait toutefois que le 25 mars 2023, le pape François a présenté une nouvelle version de Vos estis lux mundi (trad: Vous êtes la lumière du monde), un document qui détaille les normes et les procédures en matière de signalement et d’enquête concernant les abus sexuels commis ou dissimulés par des évêques catholiques.

Dans ce document, le pape exige que «les autorités ecclésiastiques s’engagent en faveur de ceux qui affirment avoir été offensés, afin qu’ils soient traités ainsi que leurs familles, avec dignité et respect». Il précise aussi que «l’auteur de la dénonciation», «la personne qui se prétend lésée» ainsi que «les témoins quant au contenu de la dénonciation» ne peuvent être contraints au silence ou être victimes de «préjudices, rétorsions ou discriminations».

Ces articles du motu proprio Vos estis lux mundi, l’agente de pastorale Paméla Groleau aurait bien aimé que les responsables de l’archidiocèse de Québec les respectent après qu’ils lui aient vivement conseillé d’écrire, il y a deux ans maintenant, une première lettre au pape François.

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